Il y a presque 2 ans, le 27 septembre 2021, « Entretien HEC » a reçu une personnalité exceptionnelle du monde des affaires : Méka Brunel, la Directrice Générale de la compagnie Gecina depuis 2017. L’émission fût co-animée par Hedwige Chevrillon ainsi que Vincent Beaufils, le directeur du magazine Challenge.

Gecina est considérée comme la première foncière de bureaux sur le territoire européen. Elle se présente également comme étant le premier bailleur résidentiel privé à Paris. La société tient à cœur d’instaurer des lieux de vie durables et de valoriser les expériences humaines que l’on y vit. En effet, la dimension humaine fait partie des piliers fondamentaux de la compagnie. Consciente de l’impact sociétal et environnemental de ses activités, Gecina a mis en place une politique RSE solide.

Actualité : l’impact de la crise sanitaire sur le secteur immobilier

L’immobilier fait sans doute partie des secteurs les plus chamboulés par l’une des plus grandes crises sanitaires de ces dernières décennies : la Covid-19. Comment se présente l’avant/après du marché immobilier par la suite de la pandémie mondiale ?

Selon Méka Brunel, la Covid ne crée pas les tendances. Il s’agirait plutôt d’un processus qui accélère le changement. La Directrice Générale de Gecina évoque trois tendances « lourdes » dans le secteur de l’économie, notamment :

• L’urbanisation
• La digitalisation, la suppression de l’administratif et du management intermédiaire
• L’urgence climatique

L’émergence du télétravail pendant la crise sanitaire

Dans son discours de post-Covid, elle n’a pas évoqué la notion de télétravail dans l’industrie de l’immobilier. N’est-ce pas une révolution majeure apportée par la crise ? Le télétravail n’est-il pas un élément structurant du domaine de l’immobilier ? Le retour au bureau est-il en bonne voie ?

Méka Brunel pense que le télétravail a été une sorte d’échappatoire obligatoire. Elle estime que derrière cette obligation de travail à distance se cachent des collaborateurs qui ont énormément souffert de la crise. Elle relève le fait que le bureau représente bien plus que la notion de confort au travail, puisque l’aménagement des espaces en fonction du niveau hiérarchique est totalement démodé. Chez Gecina, tous les collaborateurs travaillent en open space, quelle que soit leur fonction. Ils profitent quasiment des mêmes équipements, du même mobilier et du même espace de travail, car ses éléments ne définissent pas leur positionnement. Le bureau serait plutôt considéré comme un lieu d’équité de travail.

Méka Brunel souligne l’importance du fait de « se rencontrer ». En considérant la dimension humaine, elle estime que la rencontre physique et le partage entre les collaborateurs participe au plaisir du travail. Bien évidemment, l’instauration d’un système de télétravail dépend entièrement des besoins de chaque entreprise.

Plusieurs problématiques se posent : n’est-on pas censé être aussi productif à la maison qu’au bureau ? Méka Brunel a un avis bien tranché sur ce sujet « Je suis particulièrement contre le télétravail à la maison, notamment pour les femmes ». En effet, ce genre de système ne permet pas aux femmes de se consacrer entièrement au travail, si l’on se base sur les réalités sociales actuelles.

Généralisation du Flex Office : est-ce la solution ?

Le Flex Office désigne le fait de pouvoir travailler partout. A ce jour, les plus grandes entreprises du monde adoptent progressivement ce système. Cela signifie que les collaborateurs ne disposent plus d’une surface de travail dédiée, puisqu’ils ont à leur disposition toutes les ressources leur permettant de travailler partout. Pour Méka Brunel, le Flex Office peut être pertinent si les spécificités du métier le permettent. Le fait de pouvoir travailler partout entraîne une transformation majeure dans tous les secteurs confondus.

Peu de temps avant l’interview, une enquête a été menée sur les avis des dirigeants d’entreprise sur l’avenir du travail au bureau et les conséquences du télétravail. Méka Brunel appuie sur l’importance de la rencontre physique. Cela encourage à la créativité et aux échanges d’idées. Elle remarque également que les gens ont besoin de travailler dans un lieu où ils peuvent retrouver la culture d’entreprise et retrouver un sentiment d’appartenance. Elle pense également que c’est uniquement de cette manière qu’une entreprise peut devenir acteur de la cité.

Les grands quartiers d’affaires sont-ils condamnés à terme ?

Ces dernières années, on observe de plus en plus le développement de nombreux quartiers de bureaux comme La Défense. Ce type de paysage représente-t-il la ville de demain ? Comment se présente l’avenir des tours ? Pour Méka Brunel, tout est dans la densification et la simplification des réglementations.

La question des taux d’intérêt a également été relevée, puisque ceux-ci ne cessent de monter. Comment les taux impactent-ils le secteur immobilier ? Elle estime que les taux ne doivent pas définir la capacité d’investissement immobilier. Cela ne doit pas freiner les acteurs du marché. La montée des taux d’intérêt serait également causée par la pénurie de logements. En effet, l’offre immobilière n’arrive pas à satisfaire la demande grandissante, ce qui crée la hausse des prix.

La transformation des bureaux en logements est-elle une réalité ?

Il s’agit d’un sujet complexe, car les coûts d’aménagement et de transformation sont particulièrement élevés. Du fait de la digitalisation, la demande en matière de bureaux va descendre progressivement. La question se pose : que va-t-on faire de ces espaces de travail ? C’est de là qu’est né l’engouement pour la transformation des bureaux en habitations modernes.

Business :

Sous la direction de Méka Brunel, la compagnie Gecina est passée d’une foncière assez traditionnelle pour une transformation particulièrement ambitieuse. A ce jour, la société est parfaitement positionnée sur le marché immobilier. Ce succès repose sur différents paramètres, notamment :

• La centralité et le métropolisation
• L’équilibre du business model
• La politique RSE
• L’innovation et les services à valeur ajoutée

Ces dernières années, le secteur immobilier fait face à différentes incertitudes :

• Comment se présente l’avenir de l’immobilier de bureau ? Quelle forme va-t-il prendre demain ?
• Comment les tendances de métropolisation de centralité vont-elles évoluer après la crise sanitaire ?
• Que vont faire les banques sur les conditions d’octroi de crédits immobiliers ? Les pénalités infligées aux demandes des particuliers peuvent-elles affecter la résilience du secteur ?
• La discompte de certains actifs permettrait-elle encore les projets de restructuration dans des niveaux de profitabilité acceptables ?

Toutefois, cette période post-crise a ses avantages. Par exemple, le système de travail hybride ouvre les portes à d’innombrables opportunités, surtout pour les entreprises qui prônent l’innovation. Face aux séquelles de la crise, l’immobilier reste une valeur refuge.

La question que l’on doit se poser est simple : comment peut-on adapter ses stratégies sur le long terme face à toutes ces incertitudes ? Méka Brunel pense que le principe de l’immobilier repose sur l’emplacement, les services, la qualité et la partie environnementale. Désormais, les exigences ne doivent plus se limiter aux entreprises. A ce jour, il n’est plus concevable d’accepter un logement qui ne répond pas aux normes imposées, que ce soit en termes de qualité ou d’empreinte environnementale. On est également en droit d’exiger des services de qualité.

La compagnie Gecina multiplie les efforts dans l’immobilier résidentiel

A l’origine, Gecina a commencé par l’immobilier résidentiel. Face à de nombreux facteurs, elle a laissé de côté cette part de marché pour redoubler d’efforts dans l’immobilier de bureau. Ces dernières années, la société souhaite reprendre en force la chaîne résidentielle dans la région parisienne.

Consciente de l’importance du côté serviciel, Gecina a lancé la marque ombrelle « YouFirst » qui se décline en bureau et en logement. L’idée est d’aller vers les clients et mettre en avant l’anticipation de leurs besoins. Le service au client regroupe par exemple la conciergerie, la mise en place des espaces clients où ils peuvent visualiser l’avancement des travaux, etc. Ce projet repose en grande partie sur la digitalisation.

La neutralité carbone du patrimoine à l’horizon 2030 : une vision ambitieuse pour Gecina

Le secteur du bâtiment est connu comme étant la deuxième industrie la plus polluante du monde, après le transport. L’immobilier en exploitation entraîne d’autant plus de pressions environnementales lorsqu’il est occupé. C’est en ce sens que l’objectif de neutralité carbone du patrimoine a été lancé. Aucun compromis ne sera fait sur ces sujets.

Qu’entend-on par ville durable ?

Selon Méka Brunel, la ville durable désigne le fait d’intégrer différents paramètres dans le plan d’urbanisation et de développement local, notamment, l’économie d’énergie, de carbone et de réflexion. Par ville durable, on sous-entend le réemploi, l’évitement du gaspillage et l’inclusion.

Enquête auprès des étudiants du HEC sur l’immobilier

Spacieux, partagé avec des collaborateurs, baies vitrées donnant sur un espace vert, bureau flexible

Besoin de liens sociaux c’est fondamental, opportunité d’habiter dans les espaces ruraux, praticité

Ambiance de travail, productivité, pression

Bureau à basse consommation : obligation, objectif,

Questions des Alumni

• Quelle est la perspective sur le télétravail et l’impact que cette tendance pourrait avoir sur les revenus et les stratégies à moyen et à long terme de Gecina ?

Pour répondre à cette question, Méka Brunel s’est basée sur la digitalisation. Elle estime qu’il est important d’aller vers la centralité, la mixité d’usage des immeubles et la qualité des services. Pour Gecina, les conséquences sont quasi-nulles. Avec la polarisation des marchés, la compagnie profite d’une attractivité optimale sur les immeubles de bureaux parfaitement situés. De plus, ceux-ci sont proposés à des loyers tout à fait convenables.

• Avec le système de télétravail, comment peut-on repenser des espaces de travail comme les tours de la Défense ?

A ce jour, les tours de la Défense commencent à rouvrir leurs portes et à accueillir de nouveaux des collaborateurs. Méka Brunel pense qu’il faudrait décomplexifier et connecter les réglementations pour faciliter la mise en place de tours mixtes.

• Gecina dispose d’un parc de 6 000 logements et ceux-ci seront soumis à des obligations de performance énergétique à partir de 2025. Cela rendra illégal la location des biens résidentiels les moins performants. Pourtant, les chiffres montrent que le secteur immobilier représente plus de 25 % des gaz à effet de serre en France. Quelle est la stratégie de rénovation énergétique adoptée par Gecina ?

Gecina investit des efforts considérables dans l’optimisation des performances énergétiques de ses biens, que ce soit les immeubles de bureaux ou le parc résidentiel. Cela permet de réduire l’empreinte carbone. Afin d’atteindre cet objectif, la compagnie a déjà commencé à travailler sur une grande partie de ses actifs. Elle investit dans d’importants travaux de rénovation afin de pouvoir répondre aux exigences énergétiques de demain. Elle intervient immeuble par immeuble à travers un processus élaboré par des experts. Le coût consacré aux travaux s’appelle « coût d’innovation ». La compagnie impose des exigences de standard qui seront appliquées aux nouveaux immeubles qui vont rentrer dans le parc. Cela signifie que les nouveaux immeubles répondent déjà aux normes et que les immeubles existants feront l’objet de programmes de rénovation importants.

• Le bureau fait face à l’une des plus grandes révolutions des trois dernières décennies. A ce jour, les besoins dans les grands immeubles de bureaux sont centrés sur la flexibilité et le service. Comment Gecina compte-t-elle réussir le projet YouFirst ?

Pour Méka Brunel, le secret réside dans le partenariat. Il est important de sélectionner des partenaires qualifiés et de savoir reconnaître les domaines d’incompétences de la marque.

• Quels sont les critères d’un immeuble idéal dans le secteur tertiaire ?

Méka Brunel rappelle l’importance de l’emplacement. A cela s’ajoute la mixité d’usage. Tout est une question de qualité. L’idéal, c’est un immeuble situé à proximité des services de transport en commun, qui réponde aux exigences des clients et qui soit respectueux de l’environnement.

Conclusion de l’interview : Méka Brunel apporte un autre regard sur l’immobilier

Pour Méka Brunel, il est important de connaître ses limites et de déléguer quand il le faut. Elle insiste sur le fait que les femmes doivent être exigeantes sur l’égalité des droits. Elle a apporté une véritable révolution en mettant en place une politique de parité dans l’organisation de Gecina. Elle estime qu’il n’est pas possible de gommer l’histoire d’une personne ou d’un peuple. Elle appuie sur l’importance de s’inscrire dans les rites et les coutumes des pays qui nous adoptent, sans pour autant être différent de ce que l’on est. Tout est dans la compréhension.

L’entretien HEC sur BFM Business avec Méka Brunel, directrice générale de Gecina :