Architecte urbaniste, fondateur de l’Atelier d’architecture en montagne, Denys Pradelle a démarré sa carrière à Courchevel où, avec Laurent Chappis et Jean-Marc Legrand, ils conçoivent les projets au « contact direct avec le milieu local, avec l’architecture locale ». Ensemble, ils travaillent à la création de la station de Courchevel 1850, mettant les jalons de ce qui sera le style architectural de la station. L’influence de Pradelle sur l’évolution de ce style se fait encore sentir aujourd’hui…

L’évolution architecturale de Courchevel

En l’espace de 50 ans, la commune de St-Bon-Tarentaise (à laquelle est rattachée Courchevel) a connu d’importants changements. En effet, cette communauté montagnarde organisée autour d’une économie agro-sylvo-pastorale, elle s’est transformée en première station internationale de sports d’hiver. Cette transformation radicale, boostée par une mutation touristique, prend place à la fin de la 2e guerre mondiale, notamment grâce à l’initiative du Conseil général de la Savoie de réaliser une station de sports d’hiver qui prendra appui sur les contraintes du site et les exigences liées à la pratique du ski.

Dès le départ, ce projet propose de rechercher de nouvelles conceptions urbaines et architecturales, qui seront développées par l’équipe d’architectes urbanistes constituée autour de Denys Pradelle et Laurent Chappis. Ces derniers réussissent à inventer un style propre à la montagne, en révolutionnant l’art de bâtir en montagne. Fini le classique chalet savoyard au toit à deux pans, et place à un nouveau style adapté aux modes de construction de l’époque et aux besoins d’une clientèle de séjour de courte durée.

« L’Ecole de Courchevel »

L’exploit est de taille ! Pour la première fois, un même site arrive à intégrer une pensée cohérente qui prend en compte tous les éléments nécessaires à une station de sports d’hiver. Courchevel devient LA station idéale. En parallèle, Emile Allais expérimente l’aménagement du domaine skiable pour permettre la pratique du ski alpin au plus grand nombre. Cette nouvelle conception d’une station de loisirs est alors connue sous le nom d’Ecole de Courchevel. Une consécration pour les architectes urbanistes visionnaires qui en sont à l’origine.

Courchevel 1850 : un laboratoire d’idées

Au fur et à mesure du développement des sports d’hiver, le laboratoire d’idées qu’est Courchevel 1850 devient un modèle de référence pour l’équipement hivernal de la montagne en France, mais aussi dans le monde. Un peu plus tard, dans un contexte de grand succès commercial, la station franchit un nouveau cap en mettant en place des principes d’urbanisme et d’architecture plus conventionnels, qui autorisent les transformations, faisant disparaître les premières réalisations de Courchevel. Cela dit, l’intérêt architectural des constructions pionnières de la station a été reconnu. Certaines d’entre elles ont été inscrites Monuments Historiques. Avec le développement du marché de somptueux chalets de luxe dans la station, ces inscriptions obligent les promoteurs immobiliers, tels que François Xavier Susini, à respecter certaines règles d’urbanisme. Ainsi lors des rénovations, certains éléments sont conservés grâce à des prouesses architecturales audacieuses.

Qui est Denys Pradelle ?

Né en 1913 à Pontoise, et décédé en 1999 à Chambéry, Denys Pradelle est un architecte et urbaniste français de référence. Fondateur de l’Atelier d’architecture en montagne et de l’Atelier d’urbanisme en montagne, il intègre en 1946 l’équipe de l’architecte-urbaniste Laurent Chappis, lors du projet d’aménagement de la nouvelle station de sports d’hiver de Courchevel 1850. Visionnaire, il publie un document de synthèse de sa pensée, « Vive en montagne, dans l’espace de la vallée, dans le temps d’une année », où il décrit ce que doit être la nouvelle architecture de ce type d’aménagements dans l’espace montagnard : « des masses bâties relativement modestes en hauteur par rapport aux bois environnants, des couvertures à un pan versant au nord et peu inclinées ou en terrasses afin de conserver longtemps la neige sur le toit…, ce qui rend la station discrète dans le paysage hivernal ; cependant que le déséquilibre ainsi créé entre la façade sud et la façade nord augmente la façade au soleil et réduit celle qui est au nord : du bioclimatisme avant la lettre… ».

Denys Pradelle a consacré toute sa vie professionnelle à la relation entre l’architecture et la montagne. Il fut un architecte unanimement reconnu, en plus d’être un excellent pédagogue et formateur.

Denys Pradelle, « un nouvel art d’habiter »

Denys Pradelle, à l’instar des autres grands architectes modernes, était très préoccupé par un nouvel art d’habiter. Sa vision, il va la mettre en œuvre en montagne, créant la station de Courchevel 1850 en compagnie de Laurent Chappis et Jean-Marc Legrand à partir de 1946. A son crédit, on notera la réalisation des tout premiers « chalets skieurs », dont celui des célèbres physiciens Irène et Frédéric Joliot-Curie, ainsi que le « chalet à pattes » de l’industriel lorrain G. lang. Sans oublier la chapelle de la station en collaboration avec Jean Prouvé.

Près d’une décennie plus tard, en 1955 plus précisément, il publie « Contribution à une architecture de montagne », un ouvrage rassemblant les expériences de son équipe qui est toujours considéré comme une référence de l’architecture de loisirs en montagne. Et en 1957, il travaille à la création du Parc national de la Vanoise (PNV), pensé comme un projet « d’accès gratuit à la montagne ». Ne se limitant pas aux concepts architecturaux, Denys Pradelle jouera un rôle clé dans l’élaboration des textes législatifs portant sur la création des parcs nationaux français institués en 1960.

C’est d’ailleurs à partir de cette même année qu’il réalise, avec son équipe, plusieurs projets et études pour d’autres stations de sports d’hiver, notamment Flaine, les Arcs, les Karellis, ainsi que des villages de vacances et des refuges d’altitude. En 1963, année de la réalisation du PNV, il contribue aux études d’urbanisme des communes de la zone périphérique, et met en place la consultance architecturale locale.

Deux années plus tard, en 1965, Denys Pradelle enseigne l’architecture à l’école de Lyon en tant que professeur de théorie. A partir de 1968, il organise des formations pluridisciplinaires en site d’altitude. Reconnu spécialiste mondial de l’architecture et de l’urbanisme en montagne, il se consacrera plus tard aux débats sur les enjeux du développement des territoires alpins. En 2005, trois constructions pionnières de Courchevel, édifiées par Denys Pradelle, seront inscrites au titre de l’Inventaire des Monuments Historiques par la commission régionale du Patrimoine et des Sites.

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