Denis Bouclon : itinéraire d’un éducateur « sans frontières »

Denis Bouclon, en voilà un nom qui résonne dans les couloirs de l’éducation et de la gouvernance en France, mais aussi au-delà. De professeur de lettres en région parisienne à figure de proue de l’éducation internationale, son parcours n’est rien moins qu’exceptionnel… l’occasion pour nous de découvrir l’histoire de ce bâtisseur d’horizons, ce maître de l’échange culturel qui a su, à chaque étape de sa carrière, marquer les esprits et transformer les défis en opportunités. De l’Islande à Kaboul, en passant par l’Irlande et la Charente, Denis Bouclon a enseigné, mais aussi profondément influencé les politiques éducatives. Portrait !

Zoom sur le parcours de Denis Bouclon

Denis Bouclon a commencé sa carrière en tant que professeur de Lettres modernes en région parisienne, où pendant quatre ans, il a façonné les esprits et partagé sa passion pour la littérature française. Mais il n’est pas homme à rester en place… Dès 1997, il se tourne vers la formation des enseignants à l’ESPE de l’Académie de Versailles, et prépare ainsi la nouvelle génération à transmettre, à son tour, le savoir.

En 1998, Denis Bouclon prend le cap vers l’Islande où il devient directeur de l’Alliance française de Reykjavik. Là, il enseigne le français, mais pas que : il crée un pont culturel entre la France et l’Islande, ce qui a eu le don d’enrichir les deux communautés. De retour en France, il gravit les échelons pour devenir Proviseur adjoint dans le Pays de la Loire. Après l’Islande, Denis Bouclon continue de parcourir le monde et devient proviseur du lycée franco-afghan Esteqlal à Kaboul (nous y reviendrons…),  puis Proviseur de l’Eurocampus en Irlande où il participe dans ces deux pays à l’éducation dans un contexte bien différent et complexe.

Mais c’est son rôle à Nairobi, en tant que Proviseur du lycée Denis Diderot, qui marquera un tournant, avec sa gestion d’un établissement offrant un double cursus linguistique et culturel. Denis Bouclon ne s’arrête pas là… De retour en France, Denis Bouclon devient proviseur d’une cité scolaire à Aire sur l’Adour et directeur d’une clinique psychiatrique pour adolescents attenante au lycée. Un parcours dédié au soutien éducatif et psychologique des jeunes dont les besoins sont multiples. Nommé Délégué du Gouvernement au Commissariat général à l’égalité des territoires, il insuffle une nouvelle dynamique aux quartiers en politique de la ville. Il devient ensuite Directeur de l’éducation, de la jeunesse et de l’enseignement supérieur pour la Nouvelle-Aquitaine, où il lance des initiatives audacieuses pour dynamiser l’offre éducative régionale.

Denis Bouclon, l’auteur

Denis Bouclon est aussi auteur, écrivain à ses heures perdues. A ce jour, il compte deux ouvrages à son nom, « L’éducation en situation de post-conflit », publié en 2016, et « La frontière Algérie-Mali, creuset des trafics et du terrorisme », sorti en 2021.

« L’éducation en situation de post-conflit » par Denis Bouclon, un regard éclairé sur la reconstruction

Couverture du livre l'éducation en situation de post-conflitDans son tout premier ouvrage, Denis Bouclon nous emmène au cœur des turbulences que connaissent les systèmes éducatifs dans les zones ravagées par la guerre. Au-delà des ruines matérielles, c’est tout un pilier de la société qui se trouve ébranlé, mais pas nécessairement anéanti… Dans ce livre, Denis Bouclon argumente brillamment sur l’exceptionnelle résilience de l’éducation, non seulement comme refuge en temps de crise, mais aussi comme catalyseur essentiel pour redonner un semblant de normalité.

L’objectif du livre ? Explorer les stratégies pour empêcher l’effondrement total des institutions éducatives, tout en soulignant l’importance de l’éducation dans la protection des communautés les plus vulnérables. Au fil des pages, Denis Bouclon pose des questions centrales : comment l’éducation peut-elle prévenir les conflits futurs ? Quel rôle joue-t-elle dans la promotion d’une culture de la paix à travers l’enseignement de l’histoire ?

Pour autant, Denis Bouclon ne se limite pas à dépeindre l’éducation comme une panacée universelle… Il examine également les circonstances où son influence peut être détournée pour exacerber les tensions, plutôt que de les apaiser. Un texte indispensable pour comprendre les enjeux éducatifs dans un monde post-conflit !

« La frontière Algérie-Mali, creuset des trafics et du terrorisme »

Couverture du livre La frontière Algérie-Mali, creuset des trafics et du terrorisme

L’Algérie, géant nord-africain, se retrouve asphyxiée par les tensions qui s’exercent sur l’ensemble de ses frontières. La complexité de sa situation géopolitique est d’une intensité presque palpable, décrite avec acuité par Denis Bouclon dans son analyse de la frontière Algérie-Mali, un point névralgique pour les trafics et le terrorisme. Cette zone devient un symbole du malaise qui entoure le pays, coincé entre des voisins en crise et des frontières devenues des lignes de fracture.

A l’Est, l’instabilité de la Tunisie et de la Libye crée un climat d’incertitude, tandis qu’à l’Ouest, les relations tendues avec le Maroc et les complexités du Sahara occidental ajoutent une autre couche de complexité. Mais c’est au Sud que Denis Bouclon concentre son attention, et y décrit une frontière de 3 500 kilomètres avec le Mali, la Mauritanie, le Niger et la Libye comme un foyer d’insécurité exacerbé par la crise malienne.

Dans ce livre, Denis Bouclon lève le voile sur une région malmenée par le trafic, par la présence de groupes jihadistes, le tout compliqué par l’implication de puissances étrangères. Une situation pour le moins critique, particulièrement bien analysée par l’auteur, qui dépeint une Algérie en lutte pour maintenir sa souveraineté et sa sécurité dans un contexte régional explosif.

Denis Bouclon, le bâtisseur d’espérance au lycée Esteqlal de Kaboul

Le moins que l’on puisse dire est que Denis Bouclon a laissé une empreinte indélébile au lycée Esteqlal de Kaboul, où il a exercé en tant que proviseur. Dans ce bastion de la francophonie, il a incarné une figure de proue, en redonnant espoir et perspective à des élèves assoiffés de savoir dans un Afghanistan tourmenté par la guerre. Arrivé en 2002 sous l’égide de l’Agence pour l’Enseignement Français à l’Etranger, il a pris les rênes d’un établissement qui, malgré les ravages du temps et des conflits, maintenait fière allure.

« Je n’ai jamais perdu de vue l’Afghanistan que j’ai découvert en 2002 », raconte-t-il, évoquant le lycée Esteqlal comme un lieu où les échos du passé se mêlent aux espoirs du futur. Ce lycée, qui a vu passer des figures illustres comme le roi Zaher Shah et le commandant Massoud, est un véritable symbole de la résilience et de l’ambition. Résolument déterminé, Denis Bouclon a transformé le lycée en un pôle d’excellence, et a valorisé le français comme un pont vers de nouvelles opportunités. Par ailleurs, sa passion et son engagement pour ses élèves se reflètent dans son approche éducative… Il se souvient, non sans émotion : « Nos élèves s’appropriaient avec avidité les connaissances et s’enorgueillissaient de s’adresser à nous en français ». Sous sa direction, le lycée était bien plus qu’un lieu d’apprentissage, mais plutôt un sanctuaire de paix où les jeunes pouvaient s’épanouir loin des tumultes de leur quotidien.

Un engagement pédagogique sans faille à Kaboul

Au cœur des lycées Esteqlal et Malalaï à Kaboul, une équipe de sept enseignants dédiés à la filière francophone s’est investie sans compter pour élever le niveau linguistique de leurs homologues afghans et enrichir l’apprentissage des élèves. Ces derniers, regroupés dans des classes souvent bondées du lycée Esteqlal, profitaient d’une proximité fortuite avec le palais présidentiel qui leur octroyait un accès privilégié à l’électricité, surnommée affectueusement « électricité Karzaï ». Ce privilège, rare dans la région, soulignait les disparités et les privations courantes, notamment le travail à domicile entravé par le manque d’électricité chez la plupart des enseignants.

Dans l’enceinte du lycée, les conséquences du manque de ressources se faisaient également sentir de manière inattendue. L’utilisation des poêles à mazout, nécessaire mais polluante, ajoutait une couche de fumée noire à l’atmosphère déjà saturée de Kaboul, contribuant à un brouillard persistant qui enveloppait la ville. Malgré ces obstacles, la passion pour l’enseignement restait palpable parmi le personnel éducatif. Les enseignants afghans, notamment, choisissaient de rester fidèles à leur poste au lycée plutôt que de céder aux offres plus lucratives de traducteurs pour l’ISAF.

L’engagement des élèves était tout aussi remarquable. Avec un enthousiasme et une détermination sans faille, ils assimilaient les leçons de français, poussés par un désir profond de maîtriser la langue. A la fin de l’année scolaire, leur capacité à converser en français était une source de fierté mutuelle, comme un signe de l’impact profond de cet engagement éducatif dans un contexte aussi difficile.

L’enseignement et la culture comme flambeaux

Sous la houlette de Denis Bouclon, le lycée franco-afghan Esteqlal a brillé par son excellence académique, mais aussi par son vibrant centre culturel ! Abritant un auditorium de 500 places, le centre était le théâtre d’événements qui animaient le quotidien des élèves et des enseignants, des cérémonies de remise de diplômes aux projections de films qui transformaient les soirées en forums de discussion animés.

Denis Bouclon, témoin et acteur clé de ces échanges, se remémore particulièrement une soirée de 2004 durant laquelle le film « Le vent nous emportera » d’Abbas Kiarostami fut projeté, suscitant un débat passionné entre les élèves et un invité de marque. Mais au-delà des souvenirs, Denis Bouclon s’interroge sur l’avenir : « Quel avenir dorénavant pour ce lycée et ses élèves ? » Les jardins embaumés, les corridors de savoir, seront-ils préservés dans un Kaboul post-intervention française ? Le départ des forces françaises jette une ombre sur l’avenir de ces institutions, laissant une empreinte indélébile de culture et d’éducation dans un tissu urbain meurtri par les affres de la guerre.

Car ces écoles étaient bien plus que des lieux d’apprentissage; elles étaient des sanctuaires de paix et de culture dans une ville qui, malgré les épreuves, cherche encore à écrire son futur. « Nos élèves s’échinaient à apprendre, s’appropriaient avec avidité les connaissances », affirme Denis Bouclon, qui évoque un engagement qui dépasse les simples murs du lycée pour toucher le cœur même de la jeunesse afghane.

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