Pourquoi donc Viadeo, ce géant français du réseau professionnel, a-t-il sombré ? Viadeo, on l’a connu dans les années 2000 comme un espoir français du réseau professionnel, le concurrent « made in France » face à LinkedIn. Lancé en 2004, Viadeo a réussi à grappiller quelques parts de marché en France, se dressant fièrement face au géant américain. Surfant sur la vague des réseaux professionnels, Dan Serfaty et Thierry Lunati, ses fondateurs, ont mis les bouchées doubles grâce à des levées de fonds successives. Mais ce qui commençait comme une belle aventure française a rapidement dérapé, l’accumulation de choix discutables et de stratégies mal calibrées menant Viadeo à sa perte.
Premier faux pas, le rachat raté de Unyk au Canada
On commence par le premier raté, le rachat de Unyk, un service canadien censé gérer les carnets de contacts. L’affaire aurait pu être un coup de génie pour étendre Viadeo hors des frontières françaises, mais Unyk s’est avéré être une machine à spam. Ce faux pas coûte cher, et la tentative d’établir une base à San Francisco finit aussi par capoter à cause des coûts astronomiques. Pendant que Viadeo s’embourbe dans ces démarches hasardeuses, LinkedIn continue tranquillement de s’imposer aux Etats-Unis et dans le monde anglo-saxon, et assure son emprise sur le secteur.
Deuxième erreur, un virage précipité vers la Chine
Face aux difficultés en Amérique du Nord, Viadeo décide de tenter sa chance en Chine, et mise gros sur les marchés émergents avec le rachat de Tianji, un réseau social professionnel chinois. Là encore, les ambitions se heurtent à la dure réalité d’un marché complexe et difficile à pénétrer. Viadeo n’arrive jamais à monétiser son implantation en Chine, et les pertes deviennent colossales. En 2015, la filiale chinoise enregistre une perte de 23,3 millions d’euros, soit l’équivalent de l’ensemble du chiffre d’affaires de l’entreprise. Le rêve chinois se termine par la fermeture des bureaux, une gifle financière qui n’a fait qu’aggraver la situation d’une société déjà sur la pente descendante.
Un modèle économique à l’aveugle et un positionnement flou
Avec le recul, il est facile de voir les failles de Viadeo. Le problème principal ? Un manque de vision. Plutôt que de s’ancrer sur une stratégie précise, Viadeo a navigué au gré des opportunités, nouant des partenariats aléatoires et parfois contre-productifs. La plateforme s’appuyait sur un modèle économique basé essentiellement sur les abonnements individuels, limitant l’accès aux utilisateurs non payants. Résultat : de nombreux utilisateurs se retrouvaient frustrés par ce modèle restrictif qui se sont dispersés sur des plateformes gratuites comme Doyoubuzz ou Linkedin.
Pendant ce temps, LinkedIn a intelligemment misé sur une offre orientée vers les recruteurs, une clientèle bien plus apte à payer pour un accès aux talents, tout en laissant les particuliers utiliser la plateforme avec un accès gratuit. Ce choix stratégique, couplé à une parfaite compréhension des marchés anglo-saxons, a donné à LinkedIn une longueur d’avance indéniable.
La descente aux enfers et les échecs de la Bourse
En 2014, Viadeo tente une entrée en Bourse pour redresser la barre et attirer des investisseurs. L’objectif est clair : réinjecter des fonds pour stabiliser la croissance. Mais le lancement est un flop monumental. En deux ans, la capitalisation boursière de Viadeo s’effondre, passant de 150 millions d’euros à moins de 10 millions en 2016. Dan Serfaty et Thierry Lunati quittent alors le navire, laissant la direction au néerlandais Renier Lemmens dans une ultime tentative de sauvetage. Mais le mal est fait, et Viadeo est trop endetté pour se relever.
Une fin inéluctable et des repreneurs potentiels
La conclusion de cette saga est triste mais prévisible. Avec une situation financière désastreuse, la liquidation de Viadeo semble inévitable. Quelques repreneurs, comme Le Figaro Classified et Le Bon Coin, montrent de l’intérêt pour récupérer la base de données et une partie des effectifs. Mais l’entreprise, qui autrefois se rêvait leader du réseau social professionnel, est aujourd’hui réduite à liquider ses actifs. Triste fin…
